mardi 14 octobre 2008

Tempête sur Gibraltar

Ata Jata est depuis 1 mois au mouillage devant la plage de La Linéa, au fond de la baie, côté espagnol. Moi je suis remontée 3 semaines en France et Ludo est resté à bricoler et à s’ennuyer sur le bateau. On a une 3ème batterie maintenant qui permet de stocker le surplus d’énergie que nous perdions auparavant. Les vents sont censés être orientés ouest en majorité à cette saison et pourtant il n’y a eu que 2 fenêtres de 48h d’Ouest en un mois !
Le 9 Octobre, le navtex et passageweather.com annonce un bon coup de Levanter. Il est annoncé force 8-9 pour la zone du détroit de Gibraltar pour au moins 24h. On se dit que ca va barder mais qu’on est assez protégé là où on est ; il va juste falloir prendre son mal en patience…On dort mal, forcément, puisqu’on sait ce qui va nous arriver sur la tronche. Vendredi, lever 6h30, ça commence tout juste à souffler. Vers 10h une houle de 2m se lève dans le mouillage et nous ballotte, le plus inquiétant c’est qu’elle déferle à 500m au large derrière nous (apparemment sur un haut fond) et casse devant nous à moins de 50m jusqu’à la plage…pas terrible. On se sent un peu dans la peau du surfeur attendant la vague. On démarre le moteur et à plusieurs reprises on remonte des vagues en marche arrière. On se dit que le mouillage ne va pas tenir avec un vent à décorner les bœufs et des grosses vagues et qu’on ne va pas faire du rodéo avec le moteur pendant 24h. On profite d’une relative accalmie pour remballer notre mouillage, non sans mal ; et aller se mettre à l’abri derrière le brise lame de Puerto Chico juste à côté. Au fur et à mesure pratiquement tous les autres bateaux vont faire de même. Le port est en travaux et avait viré tous les bateaux il y a un mois ; tout le monde y cherche refuge aujourd’hui.
A partir de vendredi à la mi-journée ça commence à bien souffler : Ludo mesure 37 nœuds (65km/h) avec notre petit anémomètre à main qui manque de tomber en morceaux. On espère que le mouillage va tenir : une ancre soc de charrue (12kilos) et 25 mètres de chaîne de 10mm, par 6m de fond de vase et sable. Le coup de vent (après requalifié en « tempête » à Gibraltar) s’étend d’Alger à la mer d’Alboran, au détroit de Gibraltar jusqu’à Agadir au Maroc. Sur le Navtex déjà 3 « search and rescue ». En fin de journée, un cata qui avait pété son mouillage et dérivait sans moteur et sans radio dans la baie est ramené au port par les salvamento maritimo. Il ne sera pas le seul à subir de la casse. On suit en direct sur le canal 16 la préparation de l’hélitreuillage de 31 marins d’un navire en difficulté de l’autre côté du Rocher ; on verra plus tard dans la presse qu’il s’agit du cargo Fedra qui s’est échoué et coupé en deux sur Europa Point. La nuit est longue, impossible de dormir, à tout moment, je m’attends à sentir le bateau rompre son mouillage et partir à la dérive. A 3h du mat une corne de brume nous fait bondir dans le cockpit, il y a une vedette qui dérape dans le port en traînant son ancre, elle nous passe à quelques mètres. Il n’y a personne à bord. Elle va raccrocher le fond un peu avant de s’échouer sur le brise lame, puis le vent va tourner, lui permettant de continuer sa balade entre les bateaux au mouillage, sortir du port et dériver jusqu’à l’autre bout de la baie où elle va s’immobiliser jusqu’au matin. Elle y sera récupérée indemne par son propriétaire !
D’énormes vagues défoncent la digue qui est maintenant ouverte sur 250m. Le vent forcit encore, le clapot dans le port est assez conséquent. Ata Jata tient toujours mais c’est le gros stress : des éclairs illuminent le ciel autour de nous toutes les 5 secondes, le vent hurle, par moment il pleut, l’eau fume, il y a des montagnes d’eau qui grignotent la digue derrière nous et à notre droite… « Putain qu’est ce que je fous là !?!? »
Samedi matin, pas dormi ; ça souffle toujours, le vent tourne un peu et nous voilà en plein dans le couloir d’accélération entre la ville et le Rocher. A l’avant chaque rafale s’accompagne d’un « Vlan ! » énorme dans le davier. A la marina Queen’s way de l’autre côté de la digue un plaisancier note une rafale à 59 nœuds (force 11, 100km/h) ! Enfin, à la mi-journée samedi ça se calme, le bateau est tout rouge de poussière, à 15h on s’effondre et on dort !
Le coup de vent annoncé s’est bel et bien transformé en tempête violente de force 11, créant des conditions de mers dantesques. Le stress aura duré 36 heures. Résultat : 2 cargos échoués, 1 sur Europa Point et 1 à Algéciras, tous les deux laissent échapper du pétrole, notre coque pleine de boulettes gluantes peut en attester. Un voilier inhabité de 12m s’est échoué sur la côte. Finalement on était pas si mal au mouillage à Puerto Chico, c’est sûr un milliard de fois mieux qu’en mer et mieux qu’à la marina où les dégâts ont été importants, mais même si Ata Jata a assuré grave, suis pas pressée de revivre ça !!! Même si on va devoir faire du près pour progresser vers l’Est, on se barre d’ici !

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Pioufffff!!!! Eh ba,j'espère que ce sera la dernière grande frayeur pour vous...Ici, toujours le couvercle de grisaille comme tu as pu le constater en revenant dinch nord...Vlà...Pour ma part, le départ est prévu le 1er janvier, direction maroc, pendant 4 mois...Du coup, vos récits donnent encore plus envie de bouger de Lille...
Bon courage alors pour les milles avenir et bon vent.
sofi59

Anonyme a dit…

Ata jata uber alles uber alles Ata Jata
(sur l'air des DEAD KENNEDYS sinon ça fait négligé....)

Que de frayeur retrospective...
Ici toujours pareil un hiver à lille ambiance doudoune et nuit à 18h30...

J'pense à vous, et j'vous embrasse

taklouf a dit…

Bonjour,votre bateau n a pas bougé!"lol".